Du porc et du bœuf cloné pourraient se retrouver sur les tablettes des épiceries d’ici l’année prochaine, prévient Vincent Breton, président et propriétaire de duBreton, une entreprise familiale spécialisée dans la production et la transformation de porc biologique.
«On a émis, bien sûr, nos réserves», a expliqué M. Breton en entrevue au micro de Benoît Dutrizac, à QUB radio et télé, diffusé simultanément au 99,5 FM Montréal, vendredi. «Ce qui est troublant, c’est que les nouvelles technologies, que ce soit les animaux clonés ou l’édition de gènes ou les modifications génétiques, tout le monde sait que ça s’en venait.»
D’après des documents publiés par Santé Canada et l’Agence canadienne d’inspection des aliments, la révision du cadre réglementaire sur les nouveaux aliments vise à retirer les animaux clonés de la catégorie des «nouveaux aliments», les exemptant ainsi de tout avis préalable à la commercialisation.
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Le problème n’est pas là, cependant, et réside plutôt dans le fait que ce changement de règlement s’est fait en «catimini», a souligné Vincent Breton.
«Il n’y a aucune obligation au niveau de la réglementation, au niveau de l’étiquetage et les consommateurs ne pourront différencier sur les tablettes, à moins de la bonne volonté des fabricants, si les produits qu’ils achètent proviennent effectivement de ces animaux-là ou sont faits de manière plus traditionnelle», a-t-il déploré.
Pour le propriétaire de duBreton, le souci ne vient pas du développement de ces technologies, même si les risques sont peu connus, mais du manque d’information destinée aux consommateurs.
«Pourquoi ne pas l’informer [le consommateur]? Le point de duBreton, c’est de dire: “Regardez, il faut que sur la tablette le consommateur puisse faire des choix qui sont conscients”. Mais si on ne l’informe pas, on le tient dans l’inconnu ou dans le noir», a-t-il soutenu.
M. Breton a précisé qu’il était informé depuis plusieurs mois du changement de règlement et que c’est même Santé Canada qui l’avait contacté pour l’en aviser.
«La modification du règlement, je pense, est prévue pour la fin de l’année [à] Santé Canada. Donc à partir de l’année prochaine, normalement, ce serait des choses qui seraient possibles pour certaines entreprises», a fait savoir M. Breton.
Viande clonée: y a-t-il des risques?
Santé Canada indique que les éleveurs de bétail utilisent le clonage pour produire des copies d’animaux plus résistants aux maladies et offrant une viande ou un lait de meilleure qualité.
Sans rejeter l’usage de ces nouvelles technologies, Vincent Breton exprime des réserves quant aux impacts qu’elles pourraient avoir, à moyen et à long terme, sur les aliments provenant d’animaux clonés.
«Le fait de retirer certains gènes, qu’est-ce que ça va avoir [comme impact] sur d’autres gènes ou sur l’environnement ou sur autre chose dans le futur? [...] Je ne crois pas que ça soit connu. Je ne crois pas qu’il est possible [d’en] prédire [les conséquences] et c’est là, d’où notre position-là, d’agir avec prudence», a-t-il lancé.
L’entreprise duBreton a d’ailleurs discuté avec Santé Canada pour lui faire part de ses inquiétudes, mais l’agence l’a rassurée.
«La position de Santé Canada, lorsqu’on a posé la question, est de dire qu’il y a eu des tests, puis que, chimiquement ou physiquement, la viande issue de ces animaux-là ne présente pas de caractéristiques [...] différentes», a relaté M. Breton.
Mais s’il n’y a pas de risques pour la santé des consommateurs, comme l’affirme Santé Canada, M. Breton ne comprend pas la réserve de l’agence à ne pas vouloir étiqueter cette viande issue d’animaux clonés, estimant qu’il s’agirait du minimum à appliquer en matière de transparence.
«Qu’est-ce qui motive le fait de vouloir passer ça en douce sans que les consommateurs puissent [en] juger? La grande question, c’est là qu’elle est», a-t-il ajouté.
Des consultations publiques
Santé Canada considérait jusqu’à récemment les animaux clonés par transfert de noyau de cellule somatique (TNSC) et leur descendance comme de «nouveaux» organismes vivants.
En 2024, l’institution fédérale a proposé de modifier cette politique afin que les aliments issus de bovins et de porcs clonés ne soient plus considérés comme de «nouveaux aliments», et donc exemptés d’un avis préalable avant leur mise en marché.
La mise en œuvre de cette révision était prévue pour l’automne 2024, après une consultation publique tenue du 26 mars au 25 mai 2024.
Selon l’avis scientifique ayant soutenu cette décision, les aliments dérivés d’animaux clonés et de leur descendance sont aussi sécuritaires à la consommation que ceux provenant d’animaux élevés de manière conventionnelle.
Ainsi, compte tenu des conclusions de l’avis scientifique, la Direction des aliments de Santé Canada a déterminé que ces aliments devraient être réglementés de la même façon que ceux provenant d’animaux élevés traditionnellement.
Voyez l’entrevue intégrale dans la vidéo ci-haut.

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